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La peinture d'Andrélis-Rye
-mais il faudrait plus proprement parler d'une peinture dessinée,
d'un dessein-peinture, tant elle s'organise autour d'un signe fort-
surgit du fond même de l'intimité. C'est une peinture qui,
au départ, est nichée au creux du ventre : non qu'elle
soit d'emblée féminine ou maternelle ou fécondante,
même s'il y a de ça; elle exprime plutôt, d'abord,
le lieu d'un confort, le confort d'être cette peinture-là,
et d'être ces éléments-là. Divans et coussins
d'une scène, girons et bras repliés des portraits de femme,
ventres bombés ou creux et fesses des hommes, chapelle qui surgissent
dans l'enfoncement d'un paysage et qui sont comme des divans du ciel,
tout, à chaque fois, part d'un noyau central bouleversé
et se déploie ensuite dans une sorte de vaste quiétude
propitiatoire ou incantatoire. La trame à travers laquelle s'ourdit
sa technique conduit à cette révélation : plis
et plissures, ourlets, toitures, bordures, bords et rebords, enchevêtrements
de la matière descriptive sont tracés suivant des pistes
de profondeur immédiatement niée par la surexposition
de la couleur, au sens photographique, qui, dans son étalage
sans histoire, confère à ce qui paraissait profond la
chance de rebondir dans l'exhaustion de son passé. Les tortures
des plis aboutissent, en quelque sorte, à l'accalmie définitive
de la couleur. Ce n'est d'ailleurs pas une couleur, mais plus précisément
un teintage, une teinte nuageuse, et, en terme de sensitivité,
une caresse chromatique; elle ne veut surtout pas effacer les histoires
souterraines, se stratifiant à l'arrière de chacun des
éléments décrits et qui en assurent l'anthropologie
secrète. En ce sens, l'utilisation du papier journal comme support
organique et primitif et dont on n'efface pas les résistances,
au contraire, tout en dessinant la feuille jusqu'au paroxysme,
souligne ce bouillonnement taciturne des choses même lorsqu'elles
surgissent et s'offrent dans l'attitude d'une calme volupté.
Apparaît alors la vie secrète et essentielle non des choses,
mais de ceux qui y ont laissé les traces assouvies de leurs désirs.
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